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Heureusement, Johanna Rolland et Gérald Darmanin, en plus d’un CRA et de nouvelles caméras, ont proposé une troisième solution miracle.

On ne pourra pas dire que le ministre de l’intérieur manque d’écoute : une nouvelle unité de police, la CRS 8, a débarqué dès le mois d’octobre à Nantes. Une annonce dont il convient d’interroger la pertinence.

Les CRS : historique d’une unité aux missions politiques.

Créées en 1944 par De Gaulle sur les cendres des groupes mobiles de réserve du régime de Vichy, les Compagnies Républicaines de Sécurité sont spécialisées dans le maintien de l’ordre (gestion de manifestations, de situations émeutières, de rassemblements ou d’évènements brassant un public massif…).

Selon le site du Ministère de l’intérieur, « elles se sont largement illustrées notamment en Algérie, en mai 68, en 1994 à Rennes », mais aussi dans les mouvements contre la Loi travail en 2016 ou des Gilets Jaunes à partir de novembre 2018. Et la liste est non exhaustive. Accordons à l’institution le ponctuel mérite de la transparence : à travers cette sélection d’exemples, il apparaît clairement que les CRS constituent le bras armé de l’Etat.

Ce constat s’est accentué depuis le passage de Nicolas Sarkozy au Ministère de l’Intérieur où, après les émeutes de 2005, les CRS ont de plus en plus été affectés à des missions non pas de maintien de l’ordre, mais de surveillance de l’espace public. Une surveillance d’abord circoncise aux quartiers populaires, puis étendue aux centres urbains après les attentats de 2015.

On l’a particulièrement vu à Nantes où, depuis plusieurs années, il devient difficile de circuler dans le centre-ville sans croiser des camions remplis d’uniformes ou des patrouilles équipées d’armes de guerre.

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On pourrait croire que la CRS 8 n’est qu’une unité de plus dans une ville déjà marquée par la présence policière. Ce serait une erreur. Créée en 2021 par Gérald Darmanin, ce groupement expérimental spécialisé dans « la lutte contre les violences urbaines », officiellement qualifié de « force d’appui rapide » et partageant ses locaux avec le RAID – une unité antiterroriste –, est mobilisable 7j/7, 24h/24, prête en moins de 15 minutes et déployable dans un rayon de 300 km en 2 heures.

En outre, ils disposent, d’après la nomenclature étatique, de « moyens optimisés ».

Cerise sur le gâteau : selon le projet de loi LOPMI, 4 nouvelles compagnies (soit 800 agents) de ce type doivent encore être créées. L’une d’entre elles serait en permanence implantée à Nantes, en remplacement de l’unité parisienne déployée ici depuis octobre. Tout ceci s’inscrit dans une politique brutale du maintien de l’ordre au détriment de la police judiciaire : les CRS ne font aucune enquête, ne résolvent aucun crime et ne font aucune prévention. Une efficacité questionnable.

Depuis son arrivée, la CRS 8 s’est illustrée par des descentes d’une grande violence dans des quartiers comme Bellevue ou les Dervallières et une longue exhibition de fusils d’assaut FAMAS et G36 dans le centre de Nantes. C’est à peu près tout. Le meurtre d’une femme à Bellevue il y a un peu plus d’un mois n’a ainsi pas été élucidé par les CRS ou la police au sens large, mais par les habitants eux-mêmes.En revanche, le quadrillage de l’espace public par cette unité renforce encore un peu plus, via les contrôles au faciès(1) par exemple, l’exclusion des populations racisées et paupérisées des centres urbains. On s’habitue aussi à la présence d’armes dans la rue, ainsi qu’à leur utilisation (12 morts pour refus d’obtempérer depuis le début de l’année en France, contre 2 sur toute l’année 2021). Ce qui, pour le coup, ne manque pas de répandre une ambiance anxiogène dans la ville.

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Enfin, on a déjà vu la CRS 8 lors de manifestations à Nantes. Qu’elle semble loin, la lutte contre l’insécurité…

Paradoxalement, la politique sécuritaire de l’Etat et de la mairie ne répond donc pas au besoin de sécurité des habitant.es de Nantes. A l’inverse, cet enjeu semble être devenu un alibi justifiant un contrôle social toujours plus poussé : la police n’est pas là pour assurer notre sécurité, mais pour maintenir l’ordre. C’est-à-dire qu’elle ne traite ni les causes de l’insécurité, ni ses effets sur les personnes, mais assure une mission de communication : parce que la police est visible dans la rue, la dite rue serait sûre.

En réalité, cela n’a pour effet que de déplacer temporairement les infractions jusqu’au départ des policiers. Leur présence, qui s’exerce en journée et en début de soirée, est avant tout un spectacle visant à rassurer les badauds et habitant.es du centre-ville. Mais qui, alors, pour assurer une réelle protection aux Nantais.es?

S’il y aurait bien sûr beaucoup à dire sur le besoin de politiques sociales pour lutter contre la pauvreté structurelle (cause de la majorité des faits de délinquance) ou le sexisme, il est difficile de se contenter de cette réponse. Comment répondre à court terme aux agressions contre les personnes et faire baisser le niveau de tension ?

La première idée que nous suggèrent beaucoup d’habitants est le remplacement des unités de maintien de l’ordre par une police de proximité connaissant la ville, ses habitants et les subtilités du terrain. Le sociologue Didier Fassin explique dans La force de l’ordre qu’en Angleterre, les villes ayant mis ce système en place ont vu les relations entre policiers et habitants s’améliorer en même temps que baissaient les faits de délinquance.

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Mais il y a d’autres pistes encore à creuser pour rendre nos villes véritablement sûres et agréables à vivre. Nous en avons déjà exposé certaines, notamment sur la question des agressions sexistes, et nous vous invitons à venir contribuer à cette réflexion collective.