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Quelque part entre le seul contre tous et la culture commune, pour réfléchir à ce que les crises font à l’Ecole. Ce lieu commun. Cet espace qui serait là pour qu’on y construise nos libertés. Un peu de « je », beaucoup de « nous ».

Episode 3: Le Travail, point.

« C’est du travail, et l’travail, c’est sérieux. » 

C’est un peu de cette fin de tirade d’un bandit-de-grand-chemin de série télévisée arthurienne que l’on trouve pas trop cachée dans l’injonction qu’il y a à travailler. 

(TRA-VA-ILLER on nous dit). Qui induirait quand même qu’au fond, ne pas le faire -travailler- ne pas s’y atteler, ne pas faire « comme-tout-le-monde », c’est pas sérieux. Le travail ça structurerait, ça apprendrait « la vie », on y construirait des « compétences » . On y « rencontre des gens », on « fait la fête avec les collègues », c’est « comme une famille », merci patron, on s’y marie, on en vit, on en meurt, il s’invite chez nous, on n’en sort pas, on pourrait bien y être enchaîné.e.s.

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C’est marrant comme à l’Ecole on fait rien que de travailler tout le temps. Et pas que depuis un mois. Elèves, profs, métiers satellites, bahuts privés comme publics, techno, pro, foyers de tous les susnommé.e.s, ON-BO-SSE. Et pas forcément par passion émancipatrice ou curiosité infinie. Non. 

Plutôt parce que doucement, mais solidement, l’Ecole-actuelle a été organisé (ça fait quelques décennies) par des adeptes d’un néo-libéralisme qui y voit non plus un lieu d’enrichissement, mais une grande usine de tri, avec objectifs notés à atteindre, réussite par le quantitatif, et le reste on verra dans un autre billet. L’Ecole-actuelle, c’est un lieu qui formerait les meilleur.e.s, et catégoriserait les autres par type d’emplois. (Bien différencier emploi et travail ici !) C’est vertigineux de l’envisager. Débutante, j’ai pris conscience de ce possible dystopique* à la lecture d’un entretien avec Frank Lepage, qui fait dans l’éducation populaire. J’en aurais vomi, parce que si je ne voulais pas l’admettre, je sentais que ça pouvait être vrai. Mais je suis restée, pour voir. C’est assez vite vu.

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Ce que #encemoment révèle, avec son cortège de couacs et ces raidissements sociaux, c’est que l’Ecole-actuelle est (trop) intimement liée au Travail. Et à son marché. Le mot de « compétence » trône dans l’écrin du vocabulaire scolaire médiatique. Normal, les parents le pigent direct, ils ont affaire au même pour la plupart. Comme dans la « vrai vie », #ilfaut travailler, à l’Ecole. 

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Ce qu’il ne faut pas négliger quant à la scolarité depuis qu’elle est obligatoire, c’est qu’elle a fait de l’Ecole le premier mode de garde pour la société. Gratuit, pour une majorité. D’où le ralentissement de productivité -inconcevable dans le monde capitaliste actuel- parce qu’on doit garder soi-même les futur.e.s laborieux.

Sauf que le pouvoir de commander à distance permet de maintenir élèves, familles, profs serrés dans les mailles d’un filet qui relève parfois davantage du panier de crabe. Il n’aura échappé à personne que la secousse sociétale actuelle en pousse à confondre encore plus stockage de mémoire et savoirs socialisants, et ce dans toutes les catégories : trop d’exercices, pas assez d’explications, trop à copier, trop de messages à lire, de la part des collègues, supérieur.e.s hiérarchiques, parents, beau-parents, grands-parents, OUF ! 

Transformer une cinquantaine de minute d’activités scolaires en pièces jointes, diaporamas, cours sur Zoom, QCM en ligne et tutti frutti, c’est pas très nous, l’Ecole. Comment doser ? Comment ne pas être tenté.e.s de justifier son utilité sociale avec force devoirs ? Comment ne pas voir dans ces mêmes devoirs un empêchement de télétravailler tranquille ? Trop dur de se passer de l’explication de la prof, on est pas cesés tout savoir en tant que parent, et c’est pas grave ? Faut-il remplir le vide d’une semaine confinée de collégiens, de CM3 et autres 1ère STMG qui flippent de rater le moindre exo ? OU l’inverse…

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Travailler la qualité, permettre l’émancipation et non plus la simple instruction pour futur.e.s exécutant.e.s n’est pas simple dans une société flippée par l’injonction à la croissance. Pas plus qu’avoir l’impression dès l’adolescence qu’on se prépare au pire dans un environnement qui ne tolère déjà pas l’erreur… 

#ilfaut donc changer. Asma Bournezeau

[La bande-son de ceci: Faut qu’j’travaille par Princess Erika]