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Pour contrer le fascisme, reconstruire un monde en communs

On ne voit plus où se situe la limite entre l’espace politique fasciste et le reste. S’arrête t-on à Eric Ciotti réclamant la possibilité d’enfermer toute personne que l’État juge dangereuse sur simple décision administrative ? À Gérald Darmanin qui regrette d’être bloqué par une constitution trop protectrice dans son noble combat contre la criminalité et le terrorisme ? À Emmanuel Macron qui pense que les étrangers en France ont, avant tout, des devoirs plutôt que des droits ? À Olivier Faure qui réclame un droit de regard de la police sur les décisions de justice ?

L’essentiel de la classe politique montre qu’elle est convaincue que dans une société de plus en plus divisée et conflictuelle, la logique autoritaire est la seule qui peut fonctionner. De gauche à droite, une grande partie de nos dirigeant-e-s ont le même fantasme que notre président actuel, celui d’un gouvernement vertical sans contre-pouvoir réel, qui, dans son infinie sagesse, nous protège d’un monde hostile et menaçant, quitte à nous protéger de nous-mêmes au besoin.

Le premier problème de cette logique qui se diffuse au sein de l´État, c’est qu’elle rend les institutions de plus en plus hostiles à toute contestation. Prétendre nous protéger dispense de devoir nous entendre

Si l’on persiste, à vouloir contester les décisions de nos gouvernements, c’est la violence de la police qui nous attend, comme ont pu le découvrir les Gilets Jaunes, les anti-nucléaires de Bure, les manifestant-e-s en solidarité avec la Palestine et tant d’autres. Ce n’est pas de sa faute, L’État doit se protéger de nous pour pouvoir continuer à nous protéger. Après tout, comme l’a jugé le Conseil d’État très récemment, les menaces qui pèsent actuellement sur la sécurité nationale sont si nombreuses que les règles habituelles d’un État de droit peuvent être contournées et adaptées si besoin, par exemple si les services de renseignements avaient besoin de pouvoir nous surveiller en permanence. Pour notre bien, évidemment.

Le second problème de la logique sécuritaire actuelle, c’est qu’elle ne fonctionne pas. La multiplication des forces de l’ordre, des caméras de vidéosurveillance, des places en prison, des outils pour enfermer, contrôler, surveiller ne font pas diminuer le fameux sentiment d’insécurité. Chaque nouvelle tragédie amène à un tour de vis de plus, toujours et encore, dans un enchaînement presque continu depuis 20 ans.

À force de courir après l’extrême-droite, elle se rapproche de plus en plus.

Il faut en finir avec cette logique autoritaire. Il faut rappeler que même si on quadruplait le budget de la police et qu’on lui donnait le pouvoir d’enfermer toute personne dont la tête ne lui revenait pas, la société n’en deviendrait pas magiquement apaisée, sereine et tranquille. Le sentiment d’insécurité ne se développe pas parce qu’il faudrait un policier à chaque coin de rue, mais parce qu’on n’arrive plus à faire société.

Les politiques menées depuis plus de 30 ans détruisent à grande vitesse tout ce qui nous permet de faire société, tous les liens de solidarité, de confiance et de reconnaissance mutuelle. Elles rongent aussi toutes les institutions collectives, tous les espaces d’engagement avec et pour les autres: associations locales, mouvements de solidarités, syndicats, …

Comment connaître ses voisins quand on est obligé-e-s de changer de quartier tous les deux ans par des prix de l’immobilier délirants ? Comment participer à une association quand on a de moins en moins de temps en dehors du travail ? Comment participer à des mouvements de solidarité collective quand ces mouvements sont criminalisés et empêchés d’agir ? Comment avoir confiance dans la solidarité de la société quand même les hôpitaux deviennent de plus en plus inaccessibles ?

Avec de moins en moins d’espaces pour se rencontrer, construire ensemble et expérimenter la force du collectif, il ne reste que le repli sur soi et les siens, sur la défense des intérêts de nos proches, qu’on pense constamment être menacé-e-s par les autres qu’on ne connaît plus, avec lesquels on n’a plus d’interaction qu’à distance.

Ce fascisme est déjà la réalité de nombreuses personnes en France, qui vivent au mauvais endroit, avec les mauvais papiers ou la mauvaise origine. Non seulement nous devons refuser qu’il ne s’étende, mais nous devons dès maintenant commencer à contre-attaquer, à réduire son influence et à lui ôter son pouvoir.

On ne combat le fascisme qu’on rompant avec la logique individualiste, autoritaire et technocratique de ces dernières décennies. On ne connait le fascisme que par le collectif, par la re-création d’espaces démocratiques, partagés et accueillants pour tou-te-s et chacun-e-s. On ne combat le fascisme qu’en prenant soin de nos solidarités, en ne laissant personne sans droits ni sans recours. On ne combat le fascisme que par la reconstruction d’un monde en commun, d’un monde de communs.

Dès le 12 juin, nous serons présent-e-s pour combattre chaque jour les logiques autoritaires et fascistes, par l’extension de nos solidarités et le développement de nos communs.