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En 2030, Nantes est devenue une commune libre, écologique et démocratique. Jeu de l’histoire, c’est à l’occasion de l’anniversaire des 150 ans de la commune, en 2021, que la ville s’est transformée. Emma, celle dont nous vous avions conté l’histoire à l’occasion de Noël 2020, fut au cœur de ce moment historique. Nous avons fouillé dans son grenier pour en tirer des documents d’archives qui vous content ce récit.

Cédant aux injonctions du gouvernement-MEDEF, la Maire de Nantes mis en oeuvre la privatisation du CHU et la réquisition des théâtres. La résistance populaire s’organise.

Zack, de garde à la “chatière” de Graslin, s’était assoupi à son poste. Pas facile de garder l’oeil ouvert quand on est constamment sur le qui-vive. Un crissement sourd et des éclats de voix lointain l’éveillèrent. Il est 5h : “fait chier” pensa-t-il. Bruits de la rue ou mauvais rêve, le voilà tiré hors des bras de Morphée, dans une somnolence abrutissante, le corps chiffonné.

“Je vais sortir me fumer une clope, tiens, ça va me réveiller” pense-t-ilDans la pénombre du jour naissant, à peine avait-il passé la porte qu’il découvrit un escadron entier d’hommes en armes à chaque extrémité de la courte rue Corneille. “Merde !” lâcha-t-il en manquant d’avaler sa cigarette qui chut, tout juste allumée.Ni une ni deux, il fit volte-face, tous les sens en alerte, et appliqua rigoureusement les consignes : bloquer la porte ; alerter tout le monde ; envoyer les messages de détresse au ban et l’arrière-ban de la lutte.

En quelques secondes, la carapace de l’occupation, les murs épais du théâtre Graslin, se verrouilla de l’intérieur. A chaque issue, les gardiens, vaillants occupants arrachés brutalement d’un juste sommeil, s’efforçaient nerveusement de les barricader au mieux avec tout ce qu’ils trouvaient. Rien de l’effervescence intérieure ne transparaissait de la muraille, devenue aveugle, après l’occultation de toutes les vitres par des rideaux et des matelas. Face à cette gigantesque masse inerte, la cohorte de gendarmes immobiles attendaient ses ordres sous la pluie. De la ligne de ces statues de pierre se dégagea alors un homme, ou s’agissait-il d’une machine, qui vint se placer, raide et droit, face à la porte : « Attention ! Attention ! Vous participez à une occupation illégale. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux. » entendit-on alors.

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Immédiatement alertée par la chaîne de message, je sortis non sans mal de mon lit pour me précipiter dans un haut, un bas, une paire de chaussures et par la porte de mon immeuble. J’enfourchai mon vélo, dévalai le cour des 50 otages, gravit péniblement la rue Crébillon, et déboulai sur la place où se trouvaient déjà environ 300 personnes arrivées des 4 coins de Nantes et probablement autant de policiers. Les discussions étaient vives en de nombreux points de la place. Quelques habitant·e·s, visiblement les plus âgées, dont un promeneur en robe de chambre avec son petit chien, espéraient encore raisonner les séides du gouvernement. Un groupe, plus jeune, cagoulé, était pris à parti par la police. Ils chantaient des rengaines peu flatteuses pour les forces de l’ordre qui les bousculaient, et, qui, soudain, les gaza. Immédiatement, le chaos s’amplifia : un policier à terre, repli stratégique, charge, coups de matraques en veux-tu en voilà, gazage complet de la place, tout le monde tousse, cherche de l’air, les lignes sont rompues, on frappe au hasard, un pavé, une bouteille, des cris, un feu.

Une heure plus tard, la BAC tabassait toujours avec entrain ceux qui leur tombaient sous la matraque. Les échauffourées se dispersaient dans la ville, de plus en plus d’habitant·e·s sortaient pour comprendre ou participer. Comme à chaque fois, la foule comprenaient son lot de râleurs “c’est pas bientôt fini ce bordel”, de partisans d’un état policier et autoritaire “de toute façon, la police à raison”, mais surtout, cette fois, d’habitant·e·s indigné·e·s déterminé·e·s à tenir tête fièrement à l’oppression. C’en était trop. Après des années de déni de démocratie, de prévarication de richesses, d’oppressions constantes, de règne de la peur, le peuple en avait marre !

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Les troupes de la répression se concentrèrent autour de Waldeck le temps de recevoir du renfort, et se retrouvèrent cernées. Après chaque gazage massif de la population, celle-ci se regroupait encore plus nombreuse en scandant : “révolution internationale, nos communes face au capital” ; ou encore : “laissez-nous tranquille !”, tout simplement.

“Emma, ça va ?”

– Magda ? *kof*kof*, ça pourrait aller mieux.

– Viens ne restons pas là. C’est le moment de prendre l’initiative.

– Comment ça ?

– On est resté trop longtemps sur la défensive. Occupons ce qui leur importe : mairie et préfecture.”