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Les 100 premiers jours de la majorité

Après ces 100 premiers jours d’exercice du pouvoir conjoint, qu’en est-il du “vrai cap commun, avec un cap clair” énoncé par Julie Laernoes et qui allait “au-delà de [ses] espérances” ? La semaine dernière, l’ancienne tête-de-liste EELV se plaignait ainsi de l’accélération du projet du transfert de CHU et d’apprendre dans la presse le début des travaux en octobre. Deux semaines auparavant, son groupe n’avait que peu goûté  l’interview de Pascal Bolo, le nouveau monsieur sécurité de la mairie, qui assimilait délinquance et migrants. Avec le son et l’image, cela donnait ces derniers jours la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos montrant la police municipale déloger des migrants et leur confisquer leurs biens, les abandonnant ainsi à eux-mêmes et à la rue. 

La mission de la police municipale n’est pas de déloger des sans-abris et de leur confisquer leur matelas. N’a-t-elle pas matière à travailler avec l’insécurité croissante dans la ville ? Cette majorité municipale utilise comme caution des élus comme Christophe Jouin pour se donner une image humaniste : peut-on y croire encore ?

La nature n’est pas en reste. Après une respiration due au confinement et au début de mandat, tous les projets de bétonisation et d’artificialisation des sols ont repris de plus belle. Et c’est la métropole qui en est un commanditaire plus ou moins direct : les travaux pour le CHU sur l’île, la ZAC Doulon-Gohards où malgré la publicité autour de l’installation de fermes urbaines, on ne saurait oublier les hectares de terres maraîchères sur le point d’être artificialisées ; la ZAC du Bas-Chantenay et le virage touristique de ce quartier historiquement ouvrier. Plus loin, le projet du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire au Carnet où 110 ha dont 51 ha de zones humides vont être bétonnées, et l’installation d’une unité d’exploitation de l’usine polluante Carboloire sur 58 ha de terres arables, autorisée par la CARENE à Donges. Construisons d’abord, réfléchissons ensuite.

L’impératif est aussi social et si nous saluons les mesures d’urgences sociales qui ont été mises en place au moment du déconfinement, les mesures de long terme pour lutter contre la paupérisation d’une partie de la population nantaise, elles, ne sont pas au programme des prochains mois. Les prix des loyers ne cessent d’augmenter et la majorité refuse tout encadrement des loyers, en plaidant que ce ne serait pas adapté à Nantes — les élus de la majorité semblent tellement déconnectés de la réalité des Nantais·es. 

Mais que peut donc bien vouloir dire “social-écologie” dans la bouche de Johanna Rolland ? Si des mesures d’urgence vont dans le bon sens, forcées par le contexte de crise, on est bien loin d’un changement de modèle et d’un tournant écologiste à Nantes ! 

Sur la 5G et la promesse de campagne autour du moratoire issue de la fusion avec EELV, la position de la mairie n’est que trop floue. Comment la maire de Nantes souhaite mettre la pression sur l’Etat ? Le souhaite-t-elle vraiment ? S’agira-t-il de gagner du temps avec des conventions citoyennes et d’éteindre temporairement toutes oppositions ? Nous y serons vigilants car entre les discours et les actes de Johanna Rolland et Julie Laernoes, le fossé est toujours plus grand, jusqu’à se décrédibiliser et décrédibiliser la parole politique.  

Ce qui a retenu notre attention — Nos réactions 

1/ Sécurité 

Nantes en commun s’oppose à la décision d’armement des policiers municipaux de pistolets à impulsion électrique, d’autant que ce choix n’est pas adapté à la situation actuelle. Comme l’indique l’article du Point paru le 8 octobre, alors même qu’on augmente la capacité répressive des forces de l’ordre en centre-ville et qu’on installe toujours plus de caméras, l’insécurité a augmenté. Il n’y a pas nécessairement de lien de causalité entre l’une et l’autre, néanmoins, on peut en déduire l’inefficacité du “tout répressif”. Le principal problème pointé par les Nantais·es est bien l’insécurité la nuit, particulièrement en centre-ville. Or, les mesures de répression n’empêchent pas les agressions. Nous n’avons pas besoin de plus d’armes, ni de répression, mais de prévention. Et d’ailleurs, c’est censé être précisément la mission de M. Talledec, chargé de la “Prévention de la délinquance”. Une présence rassurante, non nécessairement policière d’ailleurs, permettrait d’éviter les agressions en centre-ville, notamment à Commerce, Bouffay et Foch. Pourquoi ne pas expérimenter le projet de Maison de la nuit que nous portions lors des municipales ? Ou une présence de personnes médiatrices la nuit, accessibles et rassurantes ? 

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2/ Extension de l’école Ange Guépin

Nous sommes sceptiques à l’égard du projet de restructuration et d’extension de l’école Freinet Ange Guépin. Installée dans le quartier de Malakoff, cette école ne compte plus que 25% d’élèves du quartier parmi ses effectifs, mais attire des familles d’autres quartiers nantais. Il s’agit d’un équipement situé dans un quartier populaire, avec une pédagogie alternative non élitiste, qui ne profite pas prioritairement aux habitants du quartier comme il le devrait. Pire, le projet d’extension implique l’artificialisation d’une partie du parc de la Roche. On va donc priver les habitants d’une partie de la nature, dans un quartier qui subit déjà les pollutions de la chaufferie bois et de la route pour pouvoir accueillir davantage d’enfants, mais d’où ? 

Cherchons des alternatives à l’artificialisation et des moyens de garantir que l’école Ange Guépin s’adresse principalement aux enfants du quartier. Plus globalement, pourquoi ne pas faciliter la création d’écoles Freinet à Nantes et dans la métropole ? C’est bien parce qu’il n’y a qu’une seule école de ce type, qu’il y a une telle concurrence pour y entrer — concurrence qui exclut les habitants de Malakoff. 

3/ La fermeture de l’Auberge de jeunesse de la Manufacture  

L’unique auberge de jeunesse de Nantes, située à la Manu, est définitivement fermée. Or, le Centre international de séjours nantais qui remplacera cette auberge n’ouvrira pas avant 2023. L’auberge de la Manu répondait à plusieurs besoins : c’était un recours pour les étudiants arrivant à Nantes et peinant à trouver un logement (ce qui est de plus en plus le cas), mais aussi pour les personnes à la rue. Ce lieu accueillait également les associations en leur proposant des salles pour se réunir. Cette fermeture abrupte et sans autre solution derrière se fait au mépris des usages existants et des liens sociaux qui s’étaient tissés autour de ce lieu. Pourquoi ne pas le maintenir ouvert en attendant ? Quels sont les projets autour de ce lieu ? Nous encourageons la majorité actuelle à utiliser cet espace pour accueillir des personnes à la rue, étant donné le fait qu’il est parfaitement adapté pour cela. 

Concernant le futur projet de Centre International de Séjours Nantais. Nous le saluons. Néanmoins nous posons la question de la pertinence de cette tendance à vouloir créer des structures de grande ampleur qui centralisent un même type d’activité en un seul lieu (Europa Nantes, le projet des 5 ponts,…). On construit de grands pôles qui, avec un budget conséquent et un unique gestionnaire, tendent à se bureaucratiser. Au contraire, on pourrait penser des établissements de taille moyenne, répartis sur tout le territoire, cultivant chacun leur spécificité et une proximité avec les habitants. 

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Ces projets sont pensés, une fois de plus, comme des vitrines pour Nantes, dans la logique d’attractivité qui guide le pouvoir municipal et métropolitain.  

2/ Libre Usine 

Si la création d’une nouvelle scène nationale à Malakoff est une bonne nouvelle, nous resterons très attentifs à sa mise en œuvre. Les équipements publics au sein de zones résidentielles doivent réserver une place pour les habitants du quartier, en particulier dans les quartiers populaires où la culture ne doit pas être utilisée comme un moyen de gentrification. Comment ? En faisant de la médiation sociale, en permettant aux habitants de définir une partie de la programmation,en faisant de ces lieux des lieux de vie de proximité, en accueillant des activités qui font que les habitants, en particulier les jeunes, osent pousser les portes du lieu. Un élu communiste à la culture devrait avoir à cœur de faire des lieux culturels des communs ! 

Ce qui n’était pas à l’ordre du jour 

1/ Expulsions 

Personne à la rue, voilà une belle promesse de campagne (n°201) : “Cet engagement fort de la ville de Nantes doit s’inscrire dans une mobilisation générale de tous les pouvoirs publics afin que personne ne reste à la rue dans la 6e ville de France.”.

A l’approche de la trêve hivernale, la police et les propriétaires redoublent d’efforts (parfois en recourant à la violence !) pour expulser les squatteurs ou des locataires désargentés, sans aucune proposition de relogement. On assiste à des scènes terribles de dévitalisation des logements (bris des murs, des toits et des équipements de première nécessité) alors que ces logements auraient encore pu être occupés pendant l’hiver. On semble aujourd’hui davantage préoccupé par le fait de maintenir la hausse du prix du mètre carré que de répondre à l’urgence sociale des personnes à la rue. L’engagement de campagne en faveur du logement est le grand absent de ce conseil municipal. Il est urgent que la mairie se saisisse du sujet. D’autant que la loi anti-squat va empirer la situation actuelle. Recensons tous les logements inoccupés, incitons les propriétaires à concéder des baux temporaires, mettons fin aux expulsions et condamnons fermement la violence exercée contre les occupants. 

 2/ L’encadrement des loyers

À quand la mise en place de l’engagement n°197 sur l’encadrement des loyers ? A l’approche du deuxième conseil municipal, aucune mesure n’a été envisagée pour mettre en œuvre cette politique. Si la mairie n’a pas repéré les “situations de tension” justifiant un encadrement des loyers, nous, si. Cette mesure est une mesure d’urgence pour les Nantaises et Nantais qui voient les loyers augmenter et dont certains peinent à changer de logement parce qu’ils ne trouvent plus d’appartements compatibles avec leurs revenus. La crise sanitaire et économique ne font qu’accentuer le problème, il est urgent d’agir. D’autres maires amis de la majorité nantaise ont déjà mis en place ce dispositif de la loi Elan : à Montpellier, Michaël Delafosse l’a fait voter le 15 septembre dernier pour sa ville. Pourquoi tant de réticences à Nantes ? 

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3/ Une relance du débat sur le CHU 

Johanna Rolland veut lancer une convention nantaise sur le monde de demain pour tirer les leçons de la crise sanitaire. Pourquoi ne pas commencer par ouvrir un débat sur l’hôpital et le projet sanitaire nantais ? Le personnel soignant jusqu’ici peu au courant du projet de regroupement et transfert du CHU, est de plus en plus inquiet et sceptique. Un grand nombre de syndicats et forces politiques locales tirent la sonnette d’alarme depuis des mois et, malgré la crise sanitaire qui a montré la non viabilité du projet, la maire et présidente du conseil de surveillance du CHU accélère le processus. Pourtant Olivier Véran avait lui-même évoqué la nécessité de réévaluer les projets hospitaliers en cours, à l’aune de la crise sanitaire qui vient renouveler la pensée hospitalière. Ce projet est trop sérieux pour que l’on fasse fi d’un débat posé. 

Alors appuyons sur pause, rassemblons les acteurs concernés et les habitants autour de la table pour repenser le projet de santé, garantir la conservation du nombre de lits et de postes, réfléchir aux moyens d’améliorer les conditions de travail du personnel soignant, avant de débattre des locaux et de la localisation.   

4/ Un vrai moratoire avec des garanties sur la 5G ? 

Si la mairie veut, elle peut ! Alors que le déploiement de cette technologie soulève de légitimes et vives interrogations chez les citoyens, la maire de Nantes tarde à clarifier sa position. Le moratoire, engagement de campagne issu de l’accord au second tour avec EELV, n’en est pour l’instant qu’au stade de promesse et les associations s’en inquiètent alors que les attributions de fréquences viennent d’avoir lieu et que les opérateurs ont désormais le champ libre. 

Mais dans la 3e ville de France en termes d’emplois numériques, souhaite-t-on vraiment se passer de cette technologie ? C’est toute la question… Le moratoire et le rapport de force sont l’unique porte de sortie de ce passage en force anti-démocratique.   

5/ Le protoxyde d’azote  

On observe une recrudescence de l’usage détourné du protoxyde d’azote, chez des collégiens, lycéens et étudiants avec des consommations répétées, au long cours et en grandes quantités, contribue à expliquer la gravité des dommages signalés récemment. Il ne s’agit ni de dramatiser ni de banaliser cet usage. Nous encourageons le travail de formation des partenaires éducatifs et sociaux, l’information des familles et la sensibilisation des commerçants. Le sujet peut être abordé dans le cadre du Contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance par exemple.

Plusieurs municipalités, dont Nîmes, Aulnay-sous-Bois et Valenciennes, ont pris un décret visant à interdire la vente des capsules de protoxyde d’azote aux mineurs, sur le modèle de la loi votée au Sénat en 2019, sans attendre l’étude du texte à l’Assemblée. Pourquoi Nantes ne les emboîterait-elle pas le pas ? 

Pour rappel, le programme électoral de la majorité en place indiquait dans la mesure 139 la création d’un “plan de prévention des addictions aux stupéfiants avec la création d’un appel à projet annuel finançant des actions de prévention proposées par les acteurs.” L’opportunité de cette proposition n’est pas à démontrer.