On raccompagne le capitalisme à la porte
« Non vraiment, désolé mais c’est mieux que tu partes… »
Ça fait déjà un bon moment qu’il casse les pieds à tout le monde. Nous ne sommes tout de même pas des sauvages, on a bien essayé de l’intégrer, de lui expliquer qu’on ne souhaitait plus fonctionner comme seulement lui l’entendait, mais rien à faire. Il veut, il exige, il commence à devenir violent, il fait peur à certain⋅e⋅s… Alors stop ! Ça suffit.
Est-ce qu’il y a une opposition à ce qu’on vire ce cher Monsieur K ? Quelques doutes par là-bas mais pas d’opposition. On va donc le raccompagner vers la sortie.
Raccompagner le capitalisme à la porte, en d’autres termes, c’est prendre conscience qu’on peut vivre sans lui (et qu’on vivra d’ailleurs sans doute mieux sans lui). Ça veut dire ne plus tolérer ses excès. La crise que nous traversons actuellement a ceci de salvateur qu’elle permet à nombre d’entre nous de faire le point sur ce que nous sommes individuellement et collectivement, sur notre place dans ce monde, sur la portée de nos actions,… On peut se dédouaner en accusant les pouvoirs publics de ne pas être à la hauteur (c’est très certainement le cas) mais on peut aussi s’interroger sur notre part de responsabilité à chacun⋅e. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi nous accommodons-nous des dérives de ce monde ? En quoi est-ce que nous entretenons l’absurde ?
Et que pouvons-nous faire désormais pour changer de paradigme ?
Je doute donc je suis
Oser se questionner, c’est déjà un premier pas vers la liberté. Car nous vivons dans un monde qui ne nous donne qu’une illusion de liberté. Outre le déterminisme social, il paraît pour beaucoup d’entre nous difficile de s’extraire d’une sorte de marche forcée. Depuis l’école on nous apprend à être les meilleur⋅e⋅s et à pousser les études le plus loin possible, de façon à être le/la plus « utile » à notre société. Seulement, cette notion d’utilité, aujourd’hui plus que jamais nous voyons à quel point elle est discutable.
Partant de ce postulat et étant donné le contexte actuel, comment ne pas penser aux bullshit jobs révélés par David Graeber ? Ces emplois inutiles tendent à glorifier une certaine forme d’arrivisme au dépend d’activités résolument tournées vers les autres. Une logique qui fait norme et qui donne si l’on souhaite s’en extraire le sentiment de se marginaliser ou de devoir mener un combat de tous les diables.
Sauf que maintenant, cette appréhension n’a plus lieu d’être. L’aliénation ne peut plus être subie, elle sera tout au plus consentie. Sans culpabiliser, sans se flageller, il faut regarder la réalité en face et comprendre que chacun⋅e de nous aura un rôle à jouer dans le nouveau monde.
La distribution des rôles
Outre le concept de revenu de base/salaire à vie/dotation inconditionnelle d’autonomie (dont nous détaillerons les différences dans un probable prochain article) qui nous permettrait réellement et plus facilement de nous affranchir des contraintes d’un travail aliénant, il existe tout de même quelques pistes pour retrouver du sens dans ses activités. On peut par exemple commencer par chercher de la cohérence en réfléchissant à son rôle par rapport à un tout et à travers le prisme de la solidarité. De fait, toute démarche individualiste est à exclure en raison de son manque de résilience sur le long terme (puisque tôt ou tard elle engendre des conflits entre individus qui ont des intérêts fatalement divergents).
Arthur Keller, systémicien et expert en stratégies de résilience collective, explique que pour entreprendre le changement structurel de notre société, nous pouvons concevoir notre rôle suivant l’un de ces 4 différents profils :
- penseur/penseuse : autrement dit étudier, conceptualiser et proposer des solutions pertinentes
- faiseur/faiseuse : quelqu’un⋅e qui ouvre la voie, qui expérimente et qui transmet
- conteur/conteuse : faire savoir, inspirer, diffuser les bonnes ondes et les bonnes pratiques
- facilitateur/facilitatrice : celui ou celle qui a les compétences ou les ressources matérielles/financières pour aider
Conscientiser son rôle (ou ses rôles puisqu’il est évidemment possible de faire un peu tout cela à la fois) c’est réfléchir au meilleur moyen de participer à un système plus juste.
Ce nouvel écosystème est d’ailleurs déjà en train de se mettre en place à différentes échelles et sous différentes formes.
Quelles pistes concrètement ?
À Nantes il existe donc plusieurs pistes pour s’émanciper à son rythme.
Pour commencer doucement, les apéros paumé⋅e⋅s c’est un moyen simple et efficace pour rencontrer d’autres gens, qui se posent aussi beaucoup de questions. C’est la communauté make sense qui est à l’origine de cette initiative. En attendant le déconfinement, vous pouvez jeter une oreille sur les podcast et rejoindre le groupe sur facebook. Dans le même esprit vous pouvez aussi allez faire un tour sur le groupe Ticket for Change de Nantes.
Si vous êtes déjà prêt⋅e⋅s à aller plus loin, citons 2 initiatives pour accompagner les personnes en transition : Les têtes chercheuses, plutôt destinée au 15-25 ans et puis les charlatans, autrement dit un accompagnement libre pour ne pas se sentir seul⋅e dans sa démarche.
Le niveau supérieur c’est carrément de rejoindre des groupes de personnes qui se sont affranchies des contraintes liées à l’argent et qui travaillent de façon volontaire sur des projets collectifs à impacts positifs. Nantes en Commun est l’un de ces ensembles que chacun⋅ peut rejoindre librement, peu importe son niveau de savoir ou de compétence.
Sur la ZAD, il existe également des petites communautés qui vivent déjà autrement, avec une dépendance ultra limitée au système capitaliste. Pour certain⋅e⋅s il s’agit d’une vague utopie, mais en réalité, il suffit de se rendre sur place pour se rendre compte que de petites expérimentations sociales sont en fait de vraies sources d’inspiration concrètes.
Des collectifs auto-gérés il en existe partout en France. Il faut être honnête, tous ne se valent pas. Mais ils ont le mérite d’essayer. Et il n’appartient qu’à nous, de les enrichir de nos idées, de nos espoirs et de notre bonne volonté. Évidemment, quand on habite en ville, qu’on est contraint⋅e par une vie de famille ou de vieilles habitudes, difficile d’être aussi radical⋅e qu’on aimerait l’être. Mais les solutions sont là, elles existent. Il suffit simplement d’avoir le courage de se lancer !
Anto
Quelques liens complémentaires, pour creuser ou simplement s’inspirer :
- Un excellent podcast où Arthur Keller explique pourquoi et comment reconstruire de nouveau imaginaire (on recommande notamment la métaphore du Titanic à partir de la 29ème minute) : Sismique n°13
- Ne revenons pas à la normalité, une vision plus macro par Maxime Combes
- La page du collectif Travailler moins pour vivre mieux
- Un docu de l’info du vrai (pourtant pas symbole de contreculture) sur la ZAD de Notre Dame des Landes, le Larzac et Louvain ville nouvelle.
Commentaires récents