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L’attractivité, version locale du ruissellement vs La politique du bien-vivre pour les habitant·e·s

Attirer qui et quoi ?

De gauche à droite, la politique d’attractivité semble faire consensus. La droite nantaise pour son lancement de campagne des municipales en a fait son principal combat : restaurer l’attractivité de Nantes pour les entreprises (principal argument aussi pour le chapeau pointu en 2014). La droite en marche et le PS aussi. Les promoteurs de l’Arbre aux Hérons le disent : avec l’éléphant Nantes a attiré les touristes français, l’Arbre servira à attirer les touristes européens.

« L’étoile verte » du voyage à Nantes de cet été a pour objectif de rendre attractives les ballades et espaces de respiration des Nantais·e·s. La métropole finance même une agence dédiée à l’attractivité des entreprises qui nous coûte 3 millions d’€ par an, sans compter les pubs dans le métro parisien pour dire à quel point vivre à Nantes c’est mieux que vivre à Paris.
Voyage à Nantes, YelloPark, quartier Eurométropole à Malakof, Machînes de l’île, Cantine numérique… Tout ces projets largement financés par la ville ont pour but d’attirer des « investisseurs », qu’ils soient des entreprises, des promoteurs immobiliers ou simplement d’autres résident·e·s plus riches.

La métropole du ruissellement

L’attractivité est justifiée exactement par les mêmes idées fausses que la théorie du ruissellement à l’échelle nationale et européenne. Au XXIème siècle, la solidarité ne serait plus une affaire de répartition des richesses par la redistribution mais de capacités des plus riches à dépenser et à consommer. Plus les personnes à forts revenus seraient libres de dépenser leur argent comme bon leur semble, plus cela favoriserait l’emploi des autres. Sinon, les riches partiraient ailleurs et il n’y aurait plus de consommation et donc plus de salaires, moins de capital et donc moins d’impôt et plus d’investissement public.

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À Nantes, notre seule perspective pour ne pas décliner serait de tout faire pour que les riches d’autres endroits du monde aient envie de venir s’installer. Alors même que Nantes est une des villes les plus riches du monde au regard du nombre d’habitant·e·s, les inégalités se creusent comme partout ailleurs entre résident·es mondialisés et habitant·e·s populaires. Dans le centre ville se côtoient des étudiant·e·s qui vivent dans des taudis insalubres et des entrepreneur·es qui occupent de grands appartements bourgeois. Le principal moyen pour les jeunes de payer leur loyer est devenu de servir les riches sur les terrasses d’une ville dont l’espace public se privatise.

Barcelone, Venise, Londres, Lisbonne, Porto, Paris : des contre-modèles

Toutes ces villes ont mis en œuvre une politique d’attractivité contre les habitant·es. Venise est de plus en plus considérée comme une ville vieillissante, en déclin, dont les régiments de touristes venus sur d’immenses bateaux détruisent l’architecture. Venise ne s’anime que pour faire plaisir aux touristes pendant le Carnaval. À Londres, les investisseurs ont construits d’immenses tours vides : les grands investisseurs se fichent que la ville soit habitée, ce qui compte c’est d’avoir fait un bon placement. À Lisbonne, les quartiers populaires du centre-ville se vident pour ne laisser place qu’à un décor de carte postale pour locataire de plate-forme. Les habitant·es se révoltent contre la privatisation de leur ville. À Porto, on croise souvent des façades d’immeubles vides : des investisseurs transforment l’habitat traditionnel en résidences pour touristes, d’autres rachètent des ruelles populaires entières dont les loyers sont les plus bas de la ville (environ 100€/mois) pour faire vivre aux touristes l’expérience extraordinaire de vivre comme un pauvre dans son habitat. Paris se dépeuple et des immeubles entiers ne sont plus que des appartements à louer à la nuitée.

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Enfin à Barcelone, cette politique s’est écroulée devant l’évidence : la ville la plus riche du pays grâce aux « investisseurs » a aussi 50 % de sa population sous le seuil de pauvreté… L’essentiel de l’industrie touristique, si elle paye quelques salaires de misères pour du travail aliénant, rémunère surtout les actionnaires des multinationales qui possèdent les hôtels, les restaurants, le port, et maintenant le Parc Güel de Gaudi !

L’attractivité détruit la qualité de vie et la solidarité

Le principal argument de Nantes pour l’attractivité c’est sa qualité de vie. Mais chercher à attirer des dizaines de milliers de résident·es en plus détruit la qualité de vie nantaise : entre étalement urbain et densification. Des quartiers historiques sont ravagés, les quartiers populaires sont vidés de force et leurs habitant·es sont envoyés loin dans le périurbain, les quartiers centraux rénovés en façades voient les loyers exploser. Notre ville se standardise : les investisseurs préfèrent les Starbucks au bar du quartier…

Des démographes payés par la collectivité prévoient 100 000 habitant·e·s de plus à Nantes en 2050. Ce n’est pas une fatalité, surtout si on sort de l’idée qu’il n’y a que la croissance comme modèle politique. Refusons que Nantes deviennent un petit Paris, refusons la compétition avec Bordeaux et Rennes. Cette compétition stupide qui n’est que la version locale d’une grande compétition de tout·e·s contre tout·e·s à l’échelle mondiale !

Même Saint-Nazaire finance une campagne de pub pour attirer les Nantais·es !

En parallèle, des territoires ruraux déclinent, des villages et des petites villes se vident parce que le seul moyen de subsistance dans cette grande compétition serait de rejoindre les grandes villes métropolisées pour trouver un bullshit job. Alors qu’une politique écologique serait exactement l’inverse : nous aurons besoin de centaines de milliers de néo paysan·ne·s pour que toute la France devienne agro-écologique, pas de métropoles surpeuplées et de campagnes désertées.

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Une politique du bien-vivre pour les habitant·es

Sortons de ce jeu malsain de qui a la plus grosse attractivité : les tarifs d’avion les plus low-cost, la spéculation immobilière la plus dynamique, le plus d’enseignes de prêt-à-porter bas de gamme, le TGV le plus rapide à 10 minutes d’écart, l’agriculture urbaine la plus tendance…

Développons une politique du bien-vivre pour les habitant·e·s : les trains qui desservent le mieux les petites gares, les loyers encadrés raisonnables, l’artisanat local low-tech le plus accessible, une agriculture urbaine, péri-urbaine et rurale pour prendre soin de la terre et des humains !